Où sont nos artistes d’origine asiatique? | Sophie Chen

Sophie Chen

Depuis plusieurs semaines, on parle beaucoup de racisme dans les médias sociaux. De notre côté, on le remarque depuis toujours, la scène musicale canadienne, et même américaine, ne laisse pas de place aux artistes d’origine asiatique. Il y en a plusieurs, mais rarement on peut les voir dans des galas, dans une fête nationale ou dans un festival d’été. On a donc décidé de demander quelques questions à trois artistes francophones d’ici : Sarah May Vézeau, Sophie Chen et Ai Rei Dooh-Tousignant. Dans les prochaines semaines, on présentera d’autres entrevues sur le même sujet.

 

Tu es née dans quelle région?

Montréal.

 

Tes origines asiatiques proviennent de quelle région de l’Asie?
Province de Sichuan (Chengdu et Chongqing), Chine.

 

Est-ce que tu as certaines valeurs culturelles provenant de l’Asie que tu as imprégnées dans ta vie?

La famille! Si je suis en couple, ça vient avec le deal de la cuisine top notch à ma mère 🙂

Niveau carrière, au tout début, je m’étais habituée à écouter ce que les autres/aînés me disaient de faire, parce que j’étais jeune, sans expérience, et c’est super impoli de répliquer quoi que ce soit. 

 

Tu chantes en anglais, en français et en mandarin. Pourquoi est-ce important pour toi de chanter en mandarin?

J’ai grandi avec un père extrêmement musical, mais qui n’écoutait pas de contenu francophone et anglophone nécessairement. On chantait donc souvent des chansons pop chinoises à tue-tête. On peut dire que ça a toujours fait partie de ma vie, et c’est pourquoi quand j’ai commencé à composer, j’écrivais en mandarin également.

De plus, je me considère comme quelqu’un qui est assez à l’aise avec les 3 langues. Parfois, c’est peut-être pour écrire pour quelqu’un d’autre en tête que j’écris dans une certaine langue. D’autres fois, c’est le scénario qui est dans ma tête est dans une langue précise.



On parle beaucoup de société inclusive et de racisme depuis quelques semaines dans l’actualité. As-tu déjà été victime de racisme dans ta vie?

Absolument. Le pire c’est que à un moment, tu t’habitues et tu laisses tout passer. C’est difficile des fois de faire comprendre à une bonne personne que ce qu’elle vient de dire est extrêmement raciste, même si, oui, écoute, on sait que c’est une bonne personne.

 

Selon moi, la musique n’est pas universelle. Si ce l’était, on écouterait au Canada des artistes comme la chinoise Faye Wong et la japonaise Ayumi Hamasaki à la radio canadienne. Ce n’est pas le cas. Que penses-tu de cette ouverture aux musiques provenant d’ailleurs?

Je dirais que la musique est assez (et de plus en plus) universelle, surtout si on regarde ce qui se passe avec la K-Pop ainsi que la musique espagnole (pas nécessairement le reggaeton). Par exemple, J Balvin et Bad Bunny sont tous les 2 dans le top des artistes les plus écoutés sur Spotify, et ils ne chantent uniquement qu’en espagnol. Je pense qu’avec Internet, le monde a maintenant beaucoup plus de facilité de découvrir de la musique internationale.

Bien sûr, il a les goûts individuels qui fait en sorte que pas tout le monde trippe sur Faye Wong. Par contre, the Higher Brothers, signé par 88Rising, un groupe de rappeurs qui ne rappent qu’en chinois, ont un super gros fanbase de gens qui ne comprennent pas ce qu’ils disent.

Par contre, pour ce qui est des médias traditionnels, il est aussi question d’encourager nos artistes locaux, d’atteindre certains quotas.

 

Il y a beaucoup d’artistes canadiens d’origine asiatique sur la scène musicale canadienne et pourtant on ne peut les voir que très rarement dans des émissions de télé ou bien dans des événements comme la Fête nationale du Québec. Pourquoi selon toi?

Bonne question. J’aimerais bien savoir moi aussi ! À qui dois-je parler pour chanter à la Saint-Jean ?

Blague à part, je pense qu’en partie, on a arrêté d’essayer? Avec les réseaux sociaux, t’es pas obligé de cibler ta station de TV locale. Tu fais un clip, tu le mets sur YouTube, tu te crées ton propre fanbase. Je pense surtout aux créateurs de YouTube qui se sont amassés des millions d’abonnés et ne jamais percer en showbiz Nord Américain. Il y a une demande, mais aussi des ‘gatekeepers’ qui semblent pas vouloir reconnaître la demande.



Que conseillerais-tu aux télédiffuseurs et aux créateurs de spectacles dans ce contexte?

De sortir de sa zone de confort et commencer à activement chercher du monde BIPOC, et pour qu’ils puissent recommander des artistes BIPOC.

Il y a quelques semaines, tu as lancé une nouvelle chanson intitulée Un peu de soleil. Peux-tu me parler du texte?

Je suis quelqu’un de très sensible et émotive. Je trouve que notre génération accorde énormément d’importance sur l’indépendance, au point qu’aimer quelqu’un de tout ton coeur semble être la chose à ne PAS faire. À cause de ça, j’ai commencé à développer cette tendance de communiquer mes émotions, mais en les ‘dé-intensifiant’.

 

J’ai vu que tu as repris une chanson de J. Sheon. Quels sont les artistes asiatiques qui t’ont le plus influencé?

J’adore le producteur Skot Suyama. Il a écrit beaucoup de hits pour des artistes tels que A-Lin que j’aime beaucoup également. De plus, j’aime beaucoup l’artiste Wang Feng (汪峰). Sa chanson « Exister » (存在) est une de mes chansons préférées.


Aimes-tu des artistes plus « classiques » de la pop chinoise comme Andy Lau, Faye Wong ou même le band Beyond?

J’adore A-Mei et des classiques un peu plus récent tels que JJ Lin et Jay Chou au tout début de leurs carrières. Les exemples donnés sont un peu trop vieux pour moi.


Parle-moi un peu de tes projets en ce moment.

En ce moment, je prépare énormément des collaborations, j’écris pour d’autres personnes et pour moi-même. J’ai aussi plein de trucs prêts à sortir. Par contre, j’ai pas de plans concrets sur des dates de sortie. Je pense que le monde s’est mis en pause, et moi aussi. Je prends le temps de me ressourcer musicalement. J’écoute mon instinct.

 

Que fais-tu de tes journées dans cette période de confinement.

Je regarde pleins de séries, j’écoute énormément de nouvelle musique. En bon français, je ‘chill’.

Laissez un commentaire