Sophie Villeneuve vient de lancer son deuxième album. L’auteure-compositrice-interprète de Whitehorse était de passage à Ottawa où j’ai pu la rencontrer pour la première fois.
Quand as-tu commencé ta carrière dans le domaine de la chanson?
Étrangement, c’est vraiment lorsque je suis arrivée au Yukon en 2013 que j’ai commencé à composer. Quand j’étais au Québec, j’étais intimidée par le fait qu’il y avait déjà tellement d’artistes de la chanson. Je ne voyais pas comment je pourrais ressortir du lot et faire carrière, alors ça me refroidissait. Dès que je suis arrivée au Yukon, j’ai senti que la scène était grande ouverte pour les nouveaux artistes – que tu sois anglophone ou francophone. C’est en allant dans les soirées à micro ouvert de Whitehorse que j’ai commencé à faire de la scène. Par la suite, un touriste – de l’Ontario, by the way, haha! – m’a brisé le coeur, et pour le faire revenir au Yukon je lui ai écrit la chanson Where you Belong, puis Le Petit Coeur en Laine. Il a bien aimé la « toune » mais il n’est pas revenu – « whatever »! Au moins j’en suis ressortie avec une chanson en anglais et une en français, alors au moins ce fût une peine d’amour productive! Sans rancune, amis ontarois 😛
De quels instruments joues-tu?
Le premier instrument que j’ai appris est le piano quand j’avais 10 ans. Au secondaire, ce n’était plus vraiment « cool » de jouer du piano classique, alors j’ai joint le Big Band de l’école à la trompette et c’est là que je me suis rendue compte que jouer de la musique avec d’autres était vraiment quelque chose que j’aimais. J’ai continué la trompette plus tard à Montréal dans l’Harmonie Laval et l’Harmonie St-Jérôme juste pour le plaisir. Parallèlement, j’ai appris la guitare par moi-même pour les feux de camp et les partys, et ajouté le rack à harmonica plus tard. Au Yukon, je me suis achetée un ukulélé, et c’est pas mal le dernier instrument que j’ai appris. Je ne me considère pas experte dans aucun des instruments que je joue, mais je me débrouille. Les prochains instruments à apprendre sur ma liste sont la basse et l’accordéon.
Composes-tu paroles et musique?
Oui, les deux viennent ensemble quand je compose. Souvent je vais commencer par gratter une séquence d’accords à la guitare et chantonner une mélodie par-dessus, et ensuite les paroles viennent s’ajouter. Avant de commencer, j’ai déjà un thème en tête pour les paroles, mais je n’écris jamais de texte avant d’avoir une idée de la mélodie. Pour une raison obscure, le refrain me vient souvent en tête avant les couplets – je me dis « ha, ça c’est clairement un refrain ». Et ensuite, je suis prise avec « comment commencer la toune », toujours un défi intéressant à relever. Après, je fais un enregistrement rough sur mon iPhone. Je le réécoute et modifie des choses, retravaille les paroles et la mélodie. Ensuite, je laisse mijoter la chanson quelques semaines/mois sans y toucher, et je reprends plus tard si je pense qu’elle vaut la peine. Je fais un enregistrement plus pro avec mon set up à la maison, essaie des arrangements différents. Il y a des chansons comme Deux Mots et Demi, Keep Singing et Y Fait Frette qui ont été écrites en une journée, presque du premier jet. Mais ça arrive juste quand l’inspiration est très forte et qu’il y a un genre de bulle de création magique intense. Malheureusement ce n’est pas toujours le cas…!
Sur mon nouvel album, j’ai deux chansons en anglais auxquelles mon copain – qui est anglophone – a participé à l’écriture et je pense que ça se ressent, car le vocabulaire est évidemment un peu plus recherché puisque c’est sa langue maternelle. Avalanche est un poème qu’il a écrit suite à un incident assez terrifiant en ski hors piste où il a déclenché une avalanche. En lisant son poème, j’ai immédiatement voulu écrire la musique et en faire une chanson. Je suis assez fière du résultat final avec les arrangements de cordes qui simulent l’intensité de l’avalanche. Et l’autre chanson est The Sled Dog Lament qui raconte l’histoire d’un vieux chien de traîneau qui ne peut plus courir – une histoire plutôt triste je l’avoue. J’ai composé les premiers couplets et le refrain, et mon copain a composé les derniers couplets. C’était une belle collaboration.
Comment décris-tu ta musique?
J’aime bien dire que c’est du folk nordique « bin franc ».
Quand je dis « folk », je veux dire « majoritairement folk » – mais honnêtement mon album se déplace en style entre le folk, le country, le blues et le klezmer. J’aime bien la variété quand j’écoute un album, alors c’est ce que je voulais offrir au public.
Et quand je dis « franc », c’est parce que les paroles sont assez directes et qu’elles peuvent être comprises dès la première écoute. Il y a des chansons plus poétiques comme Le Petit Coeur en Laine ou La Fin d’une Chose qui utilisent plus de métaphores et laissent place à interprétation. Et à l’opposé de ce spectrum, on retrouve Introvertie et Il est Temps de Partir qui disent vraiment ce qu’elles veulent dire et ne laissent pas de place à interprétation – genre « c’est ça qui est ça ».
Tu es une artiste de Whitehorse. Quel est le plus grand défi pour une artiste francophone provenant du Yukon?
Du fait qu’on est géographiquement éloigné au Yukon, il y a définitivement plusieurs défis pour développer son marché nationalement. Premièrement, le fait qu’il faut constamment prendre l’avion pour se produire en spectacle hors du territoire. Ce sont des coûts énormes, donc à moins de trouver un festival qui est prêt à assumer les coûts de déplacement ou d’obtenir une subvention, c’est difficile d’être rentable pour une tournée. Aussi, le transport de matériel en avion est un autre défi – souvent il faut faire un choix, évaluer le risque de bris, louer de l’équipement sur place au besoin (ce qui ajoute aux coûts). Pour un artiste établi ce n’est probablement pas un big deal, mais pour un émergent un peu plus. Et puis, c’est vraiment nécessaire de se produire hors du Yukon, parce que mon public est limité et je ne peux pas me produire à une fréquence hyper élevée au risque de « overplay ».
Aussi, lorsque je me produis hors du territoire, il est très rare de pouvoir emmener mes musiciens vu justement les coûts de déplacement. Alors je dois trouver des musiciens sur place pour m’accompagner, ou alors me résigner à jouer solo. Engager des musiciens sur place peut faire l’affaire, mais c’est certain que ça demande beaucoup plus de préparation et coordination, et que c’est difficile d’avoir une certaine constance dans ce que tu présentes au public lorsque tu changes constamment de band.
Je dirais que l’autre défi est de demeurer compétitif au niveau national et de s’assurer de « rester sur la map » même si on n’est pas physiquement présents aux évènements de l’industrie. Ce fut un cadeau du ciel que de devenir membre de l’APCM et de réaliser qu’ils pourraient me représenter dans les évènements Contact. Merci l’APCM!!!!!
Tu viens de lancer un deuxième album, cette fois-ci avec 10 chansons. En quoi est-il différent de ton EP lancé l’année dernière?
Le Chant du Hibou est vraiment un album avec un fil conducteur et un concept derrière. Il est la réflexion de mon parcours depuis que je suis arrivée au Yukon, et beaucoup de chansons ont pris leur inspiration de mon aventure à faire du traîneau à chiens et vivre dans le bois au Yukon l’hiver dernier. Donc toutes les chansons sont rassemblées par ce concept, le son est uniforme, il y a une histoire. Depuis mon EP, j’ai aussi beaucoup évolué au niveau de l’écriture des arrangements, et je pense que ça se ressent sur Le Chant du Hibou. L’interprétation des textes a été travaillée, la prononciation, etc. Je suis fière du résultat final et aussi de pouvoir dire que l’album a été produit 100% au Yukon avec des musiciens locaux.
Est-ce qu’on peut te voir en spectacle bientôt?
Je suis en tournée au Québec pour le mois de février avec des dates à La Tuque, St-Elie-de-Caxton, Montréal et Québec. Je lancerai aussi mon album au Quai des Brumes à Montréal le 21 février. J’espère revenir bientôt dans l’Est avec plus de dates!
Qu’est-ce que tu écoutes comme musique en ce moment?
Je suis complètement submergée dans Le Silence des Troupeaux de Philippe Brach depuis sa sortie. J’apprécie vraiment l’effort d’engager autant de musiciens pour son album (ainsi qu’une chorale!), et les arrangements de Gabriel Desjardins sont juste phénoménaux. Il y a un mal-être ressenti en écoutant l’album, et quand tu es capable de faire ressentir une émotion aussi forte à ton public dès la première écoute, c’est assez exceptionnel.
À part ça, je vous dirais Paloma de Daniel Bélanger, Sun Leads Me On de Half Moon Run. Et j’ai également renfloué mes réserves de vinyles récemment à Montréal et suis repartie avec Le Dôme de Jean Leloup – un classique que je ne me tanne pas d’écouter et qui est un peu mon home away from home au Yukon 🙂
Quels sont tes projets dans les prochains mois?
Mon spectacle est prêt et mon album sera lancé, alors le but est vraiment de me booker des spectacles pour 2018-2019 (idéalement trouver un(e) agent(e)!!) et aussi j’aimerais réaliser un vidéoclip pour une des chansons sur l’album.
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